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La Vache En Liberté
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23 novembre 2021

Pas de «greenwashing» pour sauver le nucléaire !

 

Un nombre croissant d’Etats de l’Union européenne (UE) appellent à inclure le nucléaire dans la taxonomie verte européenne. Huit d’entre eux mènent l’offensive pour obtenir un label vert pour l’atome, le faisant bénéficier de nouveaux financements. Plutôt que d’agir dans l’intérêt général, ils soutiennent une industrie dépassée qui coûtera des milliards aux contribuables européens sans préserver le climat. Nos associations dénoncent fermement cette opération de greenwashing et appellent à mettre fin aux clichés sur le nucléaire.

Le nucléaire, essentiel pour répondre au défi climatique ? Tout d’abord, qui peut croire à la sincérité de cet appel pour le climat venant de gouvernements qui, en parallèle, poussent pour un soutien européen au gaz fossile, transformant la taxonomie verte en outil de greenwashing (1) ?

Le nucléaire européen connaît un déclin inexorable

«Allons-nous faire appel à nos meilleures armes pour décarboner notre économie ?» s’interrogent nos ministres. Pourtant, miser sur la construction de nouveaux réacteurs serait le plus sûr moyen de rater nos objectifs climatiques. L’Union européenne doit réduire ses émissions d’au moins 55 % d’ici à 2030. Or la durée moyenne de construction d’un réacteur est de dix ans, et 2/3 des réacteurs en chantier en Europe sont en cours de construction depuis bien plus longtemps (de quatorze à trente-six ans !). Au regard de l’urgence climatique, tabler sur une technologie si lente et sujette aux retards serait une aberration et une erreur impardonnable, alors que d’autres options offriraient des réductions bien plus rapides. Rénovation énergétique, efficacité énergétique, sobriété, énergies renouvelables : ces leviers sont connus et fiables.

«[L’énergie nucléaire] représente déjà près de la moitié de la production européenne d’électricité décarbonée», plaident les gouvernements pronucléaires, inversant allègrement les faits. En réalité, le nucléaire européen connaît un déclin inexorable : en 2020, pour la première fois, les énergies renouvelables (hors hydraulique) ont produit plus que l’atome, et l’écart devrait s’accroître dans les années à venir.

Le nucléaire, abordable et garant de notre indépendance énergétique ? Sans surprise, nos gouvernements déroulent le cliché d’un nucléaire permettant de réduire la dépendance européenne aux importations. Faut-il rappeler qu’il n’y a plus de mines d’uranium en fonctionnement en Europe ? Prétendre qu’un minerai extrait au Niger ou au Kazakhstan assure notre indépendance est faux et perpétue un raisonnement néocolonial qui ne dit pas son nom.

Le nucléaire, propre, sûr et performant ?

Le nucléaire serait «abordable» et protégerait les consommateurs. Certes, le coût de l’électricité en France, pays surnucléarisé, est plus bas que la moyenne européenne… mais les contribuables ont largement financé le programme atomique. De plus, de fortes dépenses sont à venir : extension de la durée de fonctionnement des réacteurs, gestion des déchets, démantèlement… Surtout, l’électricité produite par de nouveaux réacteurs sera tout sauf abordable. La Cour des comptes chiffre l’électricité que produirait l’EPR de Flamanville (Manche) entre 110 € et 120 €/MWh. Pour les EPR de Hinkley Point, ce serait 105 €/MWh : presque deux fois plus que les montants évoqués dans les derniers appels d’offres pour l’éolien en France ! Et l’écart continue de se creuser. Engloutir des dizaines de milliards d’euros dans le sauvetage du nucléaire sous prétexte de lutter contre le changement climatique est malhonnête et représente un gaspillage d’argent public.

Le nucléaire, propre, sûr et performant ? Présenter le nucléaire comme «propre» relève d’un mensonge inacceptable de la part de représentant·e·s de l’Etat. Même le fonctionnement «normal» des installations nucléaires génère une pollution chimique, thermique et radioactive de l’environnement, dont on retrouve les traces jusque dans l’eau potable de millions de personnes. Ces ministres semblent aussi oublier les stériles et résidus issus de l’extraction de l’uranium, héritage radioactif dont la gestion pose problème même en Europe. Enfin, la question des déchets n’est pas «sous contrôle». Nous n’avons toujours pas de site opérationnel pour accueillir les déchets les plus dangereux. En France, l’Autorité environnementale a mis en évidence les nombreux défauts du projet Cigéo à Bure (Meuse).

L’existence de contrôles réguliers ne suffit pas à faire du nucléaire une industrie intrinsèquement sûre. Ce serait oublier les accidents de Tchernobyl et Fukushima. En Europe, la surveillance des autorités de sûreté n’empêche pas que se produisent régulièrement des incidents, des fuites radioactives, des malfaçons sur les chantiers, ni même des fraudes massives dans les usines, comme en France. Et si le nucléaire est si sûr, pourquoi l’autorité de sûreté française a-t-elle mis en place un programme sur le «post-accidentel» ?

La protection du climat exige des actions fortes et urgentes

Pour nos ministres, le nucléaire est «une industrie leader dans le monde, dotée de technologies de rupture uniques». Voilà qui relève de la méthode Coué. En réalité, cette industrie est en déclin et sans soutien public, elle serait déjà en faillite. Concernant les ruptures technologiques, citons simplement le Giec : «La faisabilité politique, économique, sociale et technique du solaire, de l’éolien et du stockage de l’énergie s’est spectaculairement améliorée ces dernières années, tandis que celle du nucléaire […] n’a pas connu d’amélioration similaire.»

Et d’où sortent ces «près d’un million d’emplois très qualifiés en Europe» ? Même la France et son parc surdéveloppé n’offrent que quelques centaines de milliers d’emplois directs et indirects dans ce secteur. Les millions d’emplois à créer en Europe sont dans les alternatives énergétiques, pas dans le nucléaire.

Dangereux, polluant, produisant des déchets dangereux pour des millénaires, trop lent et coûteux pour relever le défi climatique, le nucléaire ne peut absolument pas prétendre être «traité de la même manière que toutes les autres sources de production d’énergie décarbonée», comme le demandent nos ministres.

Alors que s’approche la décision sur la place accordée au nucléaire dans la taxonomie, nous dénonçons fermement cette alliance contre nature entre des gouvernements, censés protéger les populations, et une industrie dangereuse.

La protection du climat exige des actions fortes et urgentes. Il est révoltant que nos dirigeants en fassent un simple élément de langage pour la promotion du nucléaire, tout en refusant d’agir à la hauteur des enjeux.

(1) Lire l’analyse du Réseau Action climat : «La taxonomie verte européenne devient un outil de greenwashing», du 21 avril 2021.
Liste des signataires : Amis de la Terre Europe, Réseau Sortir du nucléaire (France), Réseau Action climat (France), Women Engage for a Common Future (France), Action des citoyens pour le désarmement nucléaire (France), Focus - Association pour le développement durable (Slovénie), Calla - Association pour la protection de l’environnement (République tchèque), Děti Země (République tchèque), Hnutí Duha - Amis de la Terre (République tchèque), Common Earth (Pologne), Femmes contre l’énergie nucléaire (Finlande), Femmes pour la paix (Finlande), Groupe des scientifiques et techniciens pour un futur sans nucléaire (Catalogne), Folkkampanjen mot kärnkraft-kärnvapen (Suède), Noah – Amis de la Terre (Danemark), Wise (Pays-Bas), Milieudefensie - Amis de la Terre (Pays-Bas), Global 2000 - Amis de la Terre (Autriche), Institut environnemental de Münich (Allemagne).

Les autres organisations signataires sur la page : https://www.sortirdunucleaire.org/Pas-de-greenwashing-pour-sauver-le-nucleaire-en

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